Deux histoires disjointes : d'une part le couronnement de Nora Cotterelle, qui
s'apprête à se marier, et d'autre part la déchéance d'Ismaël Vuillard, interné
par erreur dans un asile psychiatrique et sur le point d'en sortir en piètre état.
Ces deux intrigues se rejoignent quand Nora propose à Ismaël l'adoption de
son fils Elias..

Desplechin confirme son talent de cinéaste mondial et compte déjà parmi les
grands. Rois et reine s'inscrit dans la faconde des films propres à Arnaud. Le
caractère volubile, tantôt grave, tantôt drôle, de ses dialogues se vit dans un
mouvement qui se renvoie la balle constament. Il est le reflet aussi des 2
caractères,celui de Nora, froide et soucieuse et celui d'Ismael, exhubérant et
communicatif. Mais il serait vain d'essayer d'enfermer ses 2 personnes dans 2
malheureux adjectifs car comme dans tous les films de Desplechin, la réalité
se noit dans la complexité. On trouve rarement un point d'équilibre entre ce
que les personnages vivent avec les autres et avec eux mêmes, toujours à
reprocher et à se reprocher.

Le tragique est un vecteur central du film, notamment à travers la mythologie,
dont les allusions abondent au fil des scènes. Et que penser des événements,
où le suicide, la maladie, la folie, la trahison parsèment la vie de chacun et où
la famille porte le deuil des espérances. De ce versant, Desplechin garde un
pied dans le montage cérébral mais de manière sous jacente. La dimension
comique s'affiche avec plus de démonstrations, concrétisant l'humour percue
dans "comment je me suis disputé ma vie sexuelle". Le passage d'une
situation douloureuse à celle comique et surréaliste surprend au début mais
permet de relativiser les événements de la vie et accentue la subjectivité de
pensées et d'actions des personnages. On peut penser au moment délirant
lorsque les infirmiers viennent chercher Ismael dans son appartement. Sa
tentative d'expliquer sa normalité, malgré la corde dressée au milieu du salon
qui n'attend plus qu'un cou pour se balancer, se révèle troublante car
intellectuellement brillante, emprunte un raisonnement,et au final on ne s'est
plus trés bien comment manipuler les critères de normalité. Car entre
l'extravagance et la normalité, certains décident vite pour les autres... ce qui
vaudra un internement à Ismael.

Si Ismael vit sa facon d'être pleinement dans la non conformité, il n'en va pas
de même pour Nora, soucieuse de glisser sur la vie depuis les événements
tragiques de ses proches. Son fils représente tout pour elle surtout depuis le
suicide du père. Elle apparait plus calculatrice et soucieuse de ses intêrets,
n'hésitant pas à déclarer que la richesse de l'homme qu'elle va épouser ne lui
est pas indifférente. Comme elle dit, elle "tue" pour avancer.

Chaque situation, changement de lieux, de temps révèle un peu de l'autre.
L'Ismael au musée avec elias, qu'il a gardé de 2 à 8 ans lorsqu'il était avec
Nora, n'est plus le même que celui de l'hopital psychiatrique. Ismael se
comporte comme un enfant avec les adultes et en adulte, proférant la moralité,
avec les enfants.

Parents, enfants, grands parents, soeurs, frères, adoptés, les liens se tissent et
notre vision s'élargit car Desplechin exposent 3 générations en nous
présentant les parents de Nora et ceux d'Ismael, rapport complété par celui
des frères et soeurs. Un grand coup de chapeau à Maurice garrel et à Jean
paul Roussillon pour leur prestation, ce dernier étant bien le père d'Ismael
dans l'extravagance de son vécu quotidien. Le talent d'almaric s'exprime
pleinement dans le personnage à multiples facettes d'Ismael, confirmant tout
le bien de son jeu.

Les personnages tranversaux apportent aussi beaucoup, la psychiatre,
l'avocat pas trés net, l'ado mal dans sa peau. Ils permettent de situer Ismael
dans une vision globale du monde et du quotidien.

Desplechin séduit et convainc encore une fois. Il est à l'image de la musique
du film, passant du rap à la musique contemporaine sans complexe, du
tragique au rire avec brillot et sans lourdeur. L'intelligence du texte, des
thèmes restent ses atouts les plus évidents, tandis que la mise en scène est
comme toujours trés travaillée. Ses flashs back en nuance permettent
d'expliquer un tout. Ses scènes oniriques, lorsqu'il met en avant des revenants,
laissent une place aux morts en leur donnant une chance de s'exprimer. En
cela, on rejoint son premier film "la vie des morts", mort qui agite les
consciences et bouleverse les vivants entre eux...... apprendre à vivre et
apprendre à mourir dans un même élan retrouvé.
patric(auteur-27/12/04)