C'est la nuit. Un homme est à genoux. Il prie seul. Il est éclairé par la
lune. Un peu plus loin, trois individus dorment. La personne qui priait se relève. Elle va vers les trois hommes, les réveille et leur demande de veiller et prier. L'homme, c'est Jésus de Nazareth. Les trois autres sont ses disciples Pierre, Jacques et Jean. Plus loin arrivent des soldats accompagnés d'un autre disciple de Jésus, Judas. Les soldats sont venus arrêter Jésus...
Après Pasolini et "l'Evangile selon Saint-Matthieu" datant de 1965,
Zeffirelli et son "Jésus de Nazareth" datant de 1977, et "La dernière tentation du Christ" de Scorsese datant de 1988, voici la version de Mel Gibson, qui présente presque exclusivement la Passion du Christ, c'est-à-dire les événements ayant amené l'arrestation de Jésus, puis sa condamnation, et enfin sa crucifixion. Mais Mel Gibson sait qu'il faut tout de même qu'on en sache un peu plus sur le personnage du Christ si on veut comprendre les événements qui ont conduit à sa mort. Alors le réalisateur nous présente quelques épisodes de la vie de Jésus en flash back, qui apparaissent nécessaires car ils apportent des éléments indispensables qui nous permettent de mieux comprendre le message prêché par Jésus. La plupart de ces passages en flash back sont facilement identifiables : l'épisode de la femme adultère (interprétée par Monica Bellucci) ; la sainte-cène ; le sermon sur la montagne ; etc. Ceux qui connaissent les évangiles peuvent même deviner dans quel évangile vient telle épisode ou telle autre. Et Mel Gibson a puisé dans les quatre évangiles. D'autre part, par rapport à la Passion elle-même, Mel Gibson a aussi puisé ses informations dans les quatre évangiles. Il rajoute parfois des détails, mais jamais il ne déforme le texte évangélique. Donc on peut dire qu'au niveau du texte, il est assez fidèle aux écrits évangéliques. Maintenant concernant la mise en images de la Passion en tant que telle, Mel Gibson insiste sur l'injustice dont est victime Jésus, mais il ne parvient pas à faire ressortir suffisamment que parmi les responsables juifs de l'époque, certains d'entre eux sont pour la condamnation, mais d'autres non. Mel Gibson n'oublie pas ce détail, mais ne le met pas suffisamment en avant. Pour Gibson, Jésus est condamné d'avance. Ensuite, le chemin de croix du Christ apparaît comme un long chemin de tortures et de maltraitances, que viennent atténuer quelques scénettes (l'intervention de Simon de Cyrène, qui aide Jésus à porter sa croix ou la jeune fille aux tresses qui essuie le visage de Jésus), mais l'ensemble reste d'une violence inouie, en particulier la scène de flagellation qui dure un quart d'heure, où Jésus lui-même semble être celui qui veut que le supplice dure. Là Mel Gibson est excessif, mais toute la Passion est dans la violence excessive et dans la douleur (physique et morale).
Mel Gibson est à la limite de la complaisance, mais ne l'atteint
jamais. Car un autre personnage est présent et apparaît ici et là : l'ennemi par excellence, le fameux Satan ou Lucifer. Pour Gibson, c'est lui qui orchestre tout ce drame que vit le pauvre charpentier de Nazareth. C'est lui le coupable, et c'est à cause de lui que Jésus est torturé, humilié, et finalement crucifié (on verra en gros plan le sang coulé des clous plantés dans les mains de Jésus). Globalement, on a conscience que Mel Gibson est influencé par la doctrine catholique du salut (d'abord Marie, interprétée par Maia Morgenstern, qu'on ne voit jamais avec son mari Joseph, mais élève seule son fils Jésus, et on ne verra ni les frères ni les soeurs de Jésus ; la souffrance est un moyen d'arriver au salut ; ceux qui disent du mal de Jésus ou lui font du mal sont punis). Maintenant je ne veux pas blâmer Mel Gibson d'avoir choisi un tel sujet pour en faire un film. Il fait oeuvre de cinéaste, avec plus ou moins de talent. Et c'est sous cet angle qu'il faut voir le film. Et non comme un documentaire sur la vie de Jésus. Je ne comprends pas toujours toute cette polémique, où chacun a son avis à donner, souvent des avis négatifs d'ailleurs. Merci à Mel Gibson d'être allé au bout de son projet. Et même si son film n'est pas exempt de défauts, loin s'en faut, il parvient à exprimer ses convictions à travers l'expression cinématographique. On ne va pas lui reprocher d'être ni Pasolini, ni Scorsese.
Ciné Phil (auteur ; 07/04/04)
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