Benigno est un infirmier solitaire, et Marco un séduisant journaliste-écrivain. Leur
amitié va naître par hasard, lors d'un spectacle de danse de Pina Bausch, dont ils sont
tous les deux spectateurs, assis côte à côte. Le ballet est si émouvant que Marco ne
peut retenir ses larmes. Dans l'obscurité, Benigno, touché lui aussi, s'en rend compte
mais ne dit mot. Plusieurs mois plus tard, il reconnaît Marco en le voyant arriver dans
la clinique où il travaille. Benigno s'occupe avec beaucoup de délicatesse, depuis
plusieurs mois, d'Alicia, une jeune et belle danseuse dans le coma. Marco, lui, est au
chevet de sa petite amie Lydia, torero professionnelle, tombée dans le coma suite à un
accident pendant une corrida. Les deux hommes vont partager du temps, des mots,
des émotions. Un destin.

Almodovar, le symbole de la " movida " espagnol signe un nouveau mélodrame. Le
cinéaste filmant souvent les femmes, fait un tour à 180° pour montrer les sentiments
de deux hommes. Il choisit des acteurs complètement inconnus : Javier Camara
(excellent dans le rôle de Benigno) nous rappelle parfois la façon de parler et les
expressions d'Almodovar. L'Argentin Dario Grandinetti (Marco, l'homme a larmes).

Le film commence avec un extrait d'un ballet de Pina Bausch. Almodovar rend
hommage à la danse contemporaine. Marco pleure, émue par le spectacle. Benigno le
regarde curieux. Les deux protagonistes se rencontrent dans le film pour la deuxième
fois, à la clinique. Benigno l'infirmier s'occupe d'Alicia, comateuse depuis 7 ans après
un accident de voiture. Marco visite Lydia, femme-torero en coma après un accident
de corrida. Benigno aimait de façon platonique Alicia avant son accident, et le coma
va les rapprocher. Ils s'entendent mieux que beaucoup d'autres couples. Il avoue
vouloir l'épouser. Il dit connaître tout sur les femmes, il a vécu 20 ans à côte de sa
mère, et sept à côte de Alicia dans le coma.
Benigno donne toute une leçon d'humanité, les petits soins, les massages, la
manucure.
Benigno, le solitaire vit à travers Alicia, sa relation avec elle le transforme, il assiste aux
spectacles qu'elle aimait, pour lui raconter après, il parle avec elle.
Marco avait une vraie relation avec Lydia, le coma va les séparer. Il n'arrive plus à la
voir comme une femme. elle devient un corps inanimé avec lequel il n'arrive plus a
communiquer.

Très beau film sur la solitude, le besoin de communication, l'amitié et l'amour.
Beaucoup de tendresse dans les scènes ou on voit le corps d'Alicia, inerte, plein de
beauté grâce au petit soins de Benigno. La communication comme moyen de
guérison, on parle beaucoup et on écoute peu. Dans la vie réelle on assiste souvent à
la déchéance chez les patients en coma. Les personnes ne deviennent qu'un corps
qu'il faut soigner et nourrir, en oubliant les soins de beauté. Ce sujet sensible, le coma,
est traité de façon naturelle sans dramatisation. Une des qualités d'Almodovar.

Le cinéma d'Almodovar s'exprime souvent à travers les femmes. Dans Parle avec Elle,
il explore les sentiments des hommes. On a rarement vu autant de tendresse et
sentiments dans des rôles masculins. Marco pleure depuis le début du film. Les larmes
chez un homme sont toujours plus graves.

C'est peut être son film le plus pudique. Habitué aux scènes de sexe provocatrices,
Almodovar offre une séquence délirante de ciné muet "L'amant qui rétrécissait "
symbolise un passage difficile à expliquer autrement.

Tourné à nouveau à Madrid, on se fait plaisir à découvrir les rues du centre ville. Petit
clin d'œil : quand Benigno rencontre Alicia dans la rue, derrière lui une fresque de
Benito Perez Galdos (grand écrivain début du siècle). On découvre aussi la façade du
ciné Doré, actuelle filmothèque de Madrid. Le film montre aussi des belles images des
champs d'oliviers du Sud de la péninsule.

Musique envoûtante, Almodovar n'a pas hésité à rendre un hommage a ses amis. Dans
une villa, Caetano Veloso chante le " Cucurucucu paloma " qui "mets la chair de
poule à Marco ". On retrouve ses actrices-amies comme Marisa Paredes et Cecilia
Roth (les deux protagonistes de son avant dernier film, Tout sur ma mère). Il y a des
petits rôles, Loles Léon (la journaliste) et Chus Lampreave (la concierge), toujours
présents dans ses films. Almodovar donne une nouvelle opportunité a Géraldine
Chaplin, longtemps oubliée du cinéma et théâtre. La chanteuse Rosario Flores joue le
rôle de Lydia, superbe gitane androgyne, parfaite dans son rôle de femme torero. Très
belles images du monde de la tauromachie (scènes de l'habillage du " traje de luces "
et de la corrida). On retrouve l'Almodovar moderne mais fasciné par l'Espagne
folklorique et pleine de superstition (valise-autel, images de vierges et saints).

Présence de la critique des médias, les journalistes poussent au maximum l'entretien
sans tenir compte de la vie privée des gens célèbres. En même temps, la concierge
(Chus Lampreave) se plaint que la télévision ne vient pas l'interviewer alors que son
voisin est en prison.

Almodovar prend beaucoup de ses idées sur la vie réelle et la section faits diverts des
journaux (grossesse au cours d'un coma, femme torero). Toujours un peu kitsch, la
couleur ne manque jamais dans ses films.
Film émouvant et drôle.
mayte