C'est l'histoire de quelques hommes de pouvoir et de la guerre qu'ils se
font. Une histoire de princes d'aujourd'hui, réglant leurs comptes à coups de stocks-exchange, de complots financiers et d'O.P.A.
C'est l'histoire d'un fils plongé au coeur d'un combat financier qui
oppose deux hommes d'affaires - un héritier et deux rois - auquel sont aussi mêlés un chambellan, un fou et un manant.
Voilà quelques années que nous écrivons des critiques de films à
cinessai et Arnaud Desplechin n'est jamais passé sous nos fourches caudines.
Pourtant sa filmographie déja conséquente , "la vie des morts",
"la sentinelle", "comment je me suis disputé (ma vie sexuelle)", "esther kahn", a produit un sans fautes. L'originalité des sujets traités, la mise en scène, le choix des acteurs, le renouvellement de films en films et sa vision ambitieuse du cinéma prouvent qu'il demeure indispensable au cinéma mondial .
Desplechin est aussi un îlot lumineux dans la médiocrité et la
frilosité du cinéma francais actuel. On voit bien qu'il ne suffit pas d'avoir un système cinématographique ultra protégé pour produire un cinéma de qualité avec un minimum de prise de risque. Au contraire, le cinéma francais s'enfonce dans l'immobilisme, le classicisme et croule sous le poids de son empatement comme un obèse frappé par sa mauvaise graisse.
Alors, ce "léo en jouant dans la compagnie des hommes"
provoque une diffusion d'oxygène véritablement salvateur pour nos yeux de spectateurs.
Le scénario s'appuie sur une pièce d'edward bond, une nouvelle
fois comme avec "esther kahn", le film campe donc le domaine du théatre. Le pouvoir et la filiation dominent les thémes centraux du film. pouvoir entre les hommes, pouvoir dans les grandes sociétés, ici lié à l'armement, aux arcanes complexes ou s'affrontent les pulsions humaines, surtout les pires. Les alliances se font et se défont dans l'ombre, pactes et tromperies ne font finalement plus qu'un sur cette échiquier agressif et souterrain. Et puis Léo essaie de se débattre dans ce biotope incertain, lui, le fils adoptif du patron veut prouver sa valeur, prendre plus de décisions que ne le souhaite son père et plus dure sera la chute. Lorsque l'on vit dans ce monde déchiré, la parano s'installe vite, la vision s'obscurcit et on arrive même à douter du soutien de ses proches. Pourtant à aucun moment on ne doute de l'amour et de la fidélité de Léo pour son père.
Ce monde de brute, animé exclusivement par des hommes, se
trouve adoucie par la seule présence féminine du film, Anna Mouglalis apportant une respiration nécessaire.
Dans le film apparait un autre film, celui des scènes des acteurs
dissertant sur leur personnage ou le passage de certaines scènes du film. A ce moment, on comprend que Desplechin rend toute leur humanité aux hommes, une rédemption par la littérature, l'écriture et l'art comme s'il montrait la voie.
Un autre "couple", déchu cette fois, imprime bien la pellicule,
celui formé par le domestique Jonas et du fils léo. Jonas, le domestique noir du père, aux histoires improbables et impensables comprend bien tous les ressorts et enjeux mais a du mal à les domestiquer, et comprendre n'empêche pas de subir. Il garde toute la colère de l'exclu mais il saura la faire parler lorsqu'avec léo ils formeront cette paire de damnés, anti-héros devenus à moitié vagabonds.
Desplechin reprend à son compte dans ce film toute la
puissance shakespearienne du pouvoir , des ambitions et de la déchéance humaine. La morbidité ne se cache pas trés loin, sous jacente à tous les actes des personnages, elle se manifeste contre l'autre mais finit toujours par soi.
Comme d'habitude la qualité de la patte de Desplechin n'est pas
usurpée concernant la mise en scène, la valse des plans, l'utilisation audacieuse de la vidéo à l'image parfois un peu sale s'impose comme les tons sombres des scènes d'intérieures.
Que dire de la performance grandiose des acteurs et en
particulier de Sami Bouajila, trés bien épaulé par Jean Paul Roussillon, une justesse impeccable.
Encore une fois et redisons le...du grand Desplechin maître
incontesté des auteurs, de la maitrise des concepts, inventif au possible, rehausseur à lui seul du cinéma francais.
patric (auteur-25/3/4)
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