Luka est passionné par le montage d'une ligne de chemin
de fer qui passe juste à côté de chez lui, dont il dirige les
travaux. Sa femme est une ex-chanteuse d'opéra, mais a
quelques soucis "psychologiques", car elle ne supporte
pas de se retrouver sur la touche à cause de problèmes
de gorge. Ce couple a aussi un fils qui ne rêve que d'une
chose : devenir un champion de football. Mais voilà que
l'armée serbe appelle le fils, car le conflit entre la Bosnie
et la Serbie vient de commencer. De plus la femme de
Luka se laisse séduire par un Hongrois qui lui fait croire
qu'il peut relancer sa carrière. Luka se retrouve alors seul.
Soudain il apprend que l'armée bosniaque a fait son fils
prisonnier. Or un des amis de Luka lui ramène la jeune
Sabah, qui est infirmière bosniaque et musulmane, chez
lui. Il propose à Luka d'en faire une monnaie d'échange
pour libérer son fils. Luka et Sabah cohabitent ensemble
jusqu'au jour où ils tombent amoureux...


Nouvelle grande réussite de Kusturica, après
"Underground" et "chat noir, chat blanc". Ce film est une
grosse salade composée qui mélange rire, tragédie et
émotion, sans oublier la loufoquerie chère à notre
réalisateur. Le début du film est un peu long, mais le film
décolle vraiment quand Sabah arrive chez Luka. Leur
cohabitation réussie, mais non exempte de disputes, peut
être symbolique : les Serbes et les Bosniaques peuvent
cohabiter ensemble. Ensuite ils tombent amoureux, et là
le film fait des envolées lyriques, qui ne manquent pas de
poésie. Mais malheureusement le monde extérieur est
hostile à cette relation, et le couple doit se battre pour
pouvoir exister. Et alors l'émotion vient peu à peu,
jusqu'à la fin, poignante. Kusturica nous fait donc un film
engagé, où il exprime son point de vue anti-militariste,
sans oublier de pointer du doigt la mafia, qui profite de la
guerre pour se remplir les poches. Je crois que Kusturica
a souffert, et souffre peut-être encore, des guerres qui
ont ensanglanté son pays. Je crois aussi qu'il n'est pas
satisfait des frontières actuelles qui ont été imposées. Il
semble défendre le point de vue de la "Yougoslavie sans
frontières", comme au temps de Tito. Espérons que la
guerre en Yougoslavie est derrière nous. Aussi à noter
que Kusturica filme les gens simples avec une certaine
tendresse.
Ciné Phil (14/05/2004 ; auteur)