Cahit, un allemand d'origine turque, est une loque
vivante d'une quarantaine d'années. Il passe son temps à traîner dans les bars et à se droguer. Un soir, il prend sa voiture et va s'écraser contre un mur. Il se retrouve hospitalisé. Il rencontre alors la jeune et belle Sibel, de même origine que lui, et qui a aussi fait une tentative de suicide (en s'ouvrant les veines). Elle lui propose un mariage blanc, pour que ses parents lui fichent la paix. Cahit accepte. Bien que mariés, les deux "tourtereaux" vivent leur sexualité avec des personnes de passage. C'est alors que leur amour va naître...
Le mérite de ce film est de nous donner un message sur
le choc des cultures très brusque et en même temps très fort. En effet, ce conflit entre traditions et modernité semble mener, pour nos deux protagonistes du moins, vers l'autodestruction. Pourtant, dès que la naissance des sentiments prend le dessus, on change de registre. On commence à espérer un avenir plus rose. Malheureusement, les réalités viennent empêcher que se développe la relation d'amour tant espérée. Les interprètes, Birol Unel dans le rôle de Cahit et Sibel Kekilli dans le rôle de Sibel, parviennent avec conviction à partager avec le spectateur leur mal de vivre, qui les aurait probablement menés vers l'impasse s'ils ne s'étaient pas rencontrés. Le film est partagé en deux : d'un côté la vie allemande, où les apparences, le paraître, prennent le dessus. Une scène : pendant une visite familiale, des machos turcs se vantent de leur performance sexuelle dans les bordels. Or Cahit leur demande ouvertement pourquoi ils ne "baisent" pas leurs femmes. Ils veulent alors lui casser la figure. Puis on se retrouve dans la pièce d'à côté où les femmes parlent des prouesses sexuelles de leurs maris. Comme si le sentiment amoureux a laissé la place, dans notre monde moderne, à la performance, ici sexuelle. La 2e partie du film se passe en Turquie. Là aussi, c'est l'enfer. Et Sibel va se retrouver à la limite d'en finir. Ouf ! Le film évite la tragédie et préfère une fin presque en suspens. Une scène : Sibel qui vit avec sa cousine lui dit ses quatre vérités : elle ne pense qu'au fric, à travailler sans cesse, sans jamais vraiment profiter de la vie. C'est donc un film qui met en cause le monde moderne et ses illusions de bonheur factice, une vision plutôt pessimiste, mais assez revigorante dans les temps actuels. Note : le film a obtenu l'ours d'or au festival de Berlin 2004.
Ciné Phil (auteur ; 24/07/2004)
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