Deux hommes, nommés tous deux Gerry, traversent en voiture
le désert californien vers une destination qui n'est connue que
d'eux seuls. Persuadés d'atteindre bientôt leur but, les deux amis
décident de terminer leur périple à pied.
Mais Gerry et Gerry ne trouvent pas ce qu'ils sont venus
chercher ; ils ne sont même plus capables de retrouver
l'emplacement de leur voiture. C'est donc sans eau et sans
nourriture qu'ils vont s'enfoncer plus profondément encore dans
la brûlante Vallée de la Mort. Leur amitié sera mise à rude
épreuve.

Le synopsis ci dessus ne rend pas vraiment compte de la réalité
du film .2 amis se perdent mais aucune thématique de conflit ne
s'instaure durant leur brûlant périple.
Do ré mi égraine le piano et suit les 2 compères dans leur
voiture à destination du commencement de leur randonnée. Ce
début de film donne le ton contemplatif, la caméra suit la
voiture de derrière, la dépasse et filme longuement les 2 amis
silencieux dans cette voiture, un ange passe, l'ombre de
kiarostami apparaît...
La randonnée commence prudemment sur les chemins balisés
mais l'envie de se démarquer des autres randonneurs prend le
pas. Pourquoi supporter la proximité de son voisin lorsqu'on
vient gouter à la solitude des lieux ?...mais au fil des kilomètres,
le temps s'écoulant, on attend que se manifeste chez les Gerry
un semblant d'inquiètude qui ne vient pas, lorsqu'un "est ce par
là ?" manifeste une première prise de conscience.
Gus van sant invite à un voyage des sens au pays de l'extrême.
Extrême climatique, dans le désert, mais sans jamais tomber
dans la parité aridité-soleil implacable pour ce genre de film.
Ainsi au début de la randonnée, un ciel chargé de nuages
surplombe les 2 amis. Toute la palette des changements
climatiques attend les 2 forcats et font prendre la mesure de la
difficulté aux spectateurs. L'angoisse se transmet aussi par le
silence et la répétition des plans. certains plans séquences
durent longtemps et on ne sait ou ils nous conduisent. Comme
les 2 randonneurs perdus ,cette incertitude crée de la tension
chez le spectateur, puisque la notion du temps se perd dans
cette inconnue.
Les paysages défilent entre plaines parsemées de buis,
montagnes infinies, mer de sel. Les 2 amis tentent même de se
séparer pour visiter une direction opposée,essayant de se sortir
de ce labyrinthe géant, on pense d'ailleurs aux mythologies
grecques, la veille, au coin du feu gerry n'a t'il pas compté
l'histoire de la déroute de Thèbes à son compagnon d'infortune.
Tout indique la tragédie antique à la mesure des héros bravant
une nature hostile.
2 Hommes, une nature belle, dépouillée, hostile, gus van sant
utilise la mise en scène pour nous la rendre sensible. Des plans
jamais vus, comme ce plan sur ces 2 visages filmés de profil
pendant de longues minutes, magnifiques ou alors , les 2
hommes filmés de dos, l'un devancant l'autre, dans la pénombre
de l'aube ,on ne voit alors que leur silhouette noire, semblant se
détacher de l'écran et du paysage,et trainant misérablement leurs
pieds .Au fil des minutes, van sant arrive à ralentir le rythme des
2 marcheurs, le pas, le souffle, et les paroles hachées se mettent
au diapason de la vie rare des lieux. La solitude enveloppe tout
et les quelques panorama en 360° autour et sur les amis la rend
virtigineuse.
La prouesse émotionnelle aussi, celle de filmer la nuit, l'aurore et
que dire de ce lever de soleil d'une beauté rarement vue.
Apprendre à se perdre et à perdre de l'autre pour retrouver la
part invisible du monde, beau voyage, terrifiant lorsqu'il
s'accompagne de l'apprentissage de la mort.
Malgré tout ce film donne envie d'aller voir sur place, de vivre
l'étendue écrasante, de trifouiller au fond de soi, de retrouver un
peu de danger perdu dans l'aseptisation générale de nos vies.

Gus van sant et ses 2 acteurs co-scénaristes offrent une
pérégrination en parfaite osmose avec les lieux, les sentiments.
Le coté expérimental de la mise en scène renchérit la beauté
naturelle du décor et la renforce, étrange ballet que la beauté
morbide à l'état pur. Un film à voir pour tout cinéphile en quête
d'images, de sensations et d'expériences. Bonne initiative de
mk2 de sortir ce film tourné avant elephant.
patric (auteur 15/3/04)