Ce curieux film commence par s'adresser au téléspectateur
par l'intermédiaire de jonathan( Louis Garrel), narrateur
désigné, relatant la dépression de son frère.
L'histoire de guillaume(romain duris) et joanna enclenche
immédiatement la spirale d'un amour tourmenté, soumis à des
va et vient, brutal et bavard, direct et sans fard. Fusion,
désintégration. Tout le film est truffé de référence, et cette
perte amoureuse lorgne du coté de "nous ne vieillirons pas
ensemble" dans le processus de décomposition du couple,
soumis à des désirs , sur le départ, à l'arrivée, conoté par le
train, la voiture (espace essentiel du film de pialat). Honoré et
Pialat se rejoignent aussi dans la magnifique scène où joanna
passe en revue les raisons pour lesquelles guillaume met tant
d'empressement à se laver aprés l'amour. De quoi nous
submerger , comme Guillaume, face à cette déferlante de
reproches qui tréfouillent les entrailles cognitives. Parler et
fuir. La tension, grande ordonnatrice des relations, pour pialat,
atteint son paroxysme dans cette scène. Mais Honoré a su se
démarquer formellement en exploitant ses dissensions dans la
mise en scène, coupant en plans-séquences courts, plaçant des
flash back, salissant l'image, fractionnant l'espace-temps au
diapason de la relation agitée de Guillaume et joanna.
Une fois posées les causes de la dépression, le film s'apaise,
se centre sur le cercle familiale, la vie des 2 fils chez leur père
à Paris. Guillaume passant ses journées au lit ou se trainant
dans l'appartement, tandis que jonathan, étudiant dilettante, se
promène dans les rues de Paris, offert à l'inconnu, enfin, plus
souvent aux inconnuEs. Là encore, les références sont
palpables, la nouvelle vague par l'intermédiaire de paris pris
dans sa légende, des scènes extérieures, la déambulation ou le
jazz de la bande son. La rencontre de Guillaume et Alice
devient le prétexte à un amusement digne des frères lumières,
apparition-disparition, décadrage, images saccadées comme
dans un film muet, désynchronisation de la parole. Dans ses
moments, opére la magie du film parce que dénué de but.
une insouciance amusante. Relation légère et libre...poésie et
rêve.
Honoré joue donc avec le différentiel des sensations,
enfermant Guillaume dans le souvenir de son amour perdu, du
décés de sa soeur ou la nostalgie d'une époque musicale
révolue, cocasse scène de la petite chorégraphie de Guillaume
sur la musique de kim wilde, tandis que Jonathan excerce son
euphorie de conquérant boulimique des corps avec un élan
désinvolte. Cette désinvolture renvoie au personnage de
Doinel-Léaud de Truffaut, et plus encore aux films d'eustache,
"le père noel a les yeux verts", "les mauvaises
fréquentations" ou le prolixe "la maman et la putain" pour les
rapports humains. Le lit comme objet central.
Malgré les différences apparentes des 2 frères, l'un agit,
l'autre subit, ils se rejoignent, s'interpellent, l'un essayant de
tirer l'autre sans se sentir investi d'une mission insurmontable.
Aucune attente ne les travaille, sinon une inquiétude diffuse,
attisée par le suicide de leur soeur.
Honoré arrive ainsi à détourner l'émotion. La dépression
révéle des moments d'amusements, ou de belles envolées
lyrique comme ce coup de fil chanté entre Guillaume et joanna,
référence aux comédies musicales de demy. Demy racontant
des histoires déprimantes sous des apparences colorées et
chantantes.
Et la fuite en avant , joyeuse, de jonathan ne cache t'elle pas
un malaise ?!.
Le film vit aussi au delà des 2 fils. On soupçonne la dépression
latente du père, son comique, malgré lui, du paternel
protecteur, un brin décalé. Les rapports tendres et heurtés
avec son exfemme montrent ses tourments, son leger abandon,
sa manière mécanique de fonctionner au quotidien.


"Est-ce qu'il est possible, vraiment, qu'une histoire d'amour
nous fasse sauter d'un pont ?". Les 2 frères répondent par un
plongeon nocturne, amour passion, fraternel, filial.
Sauter d'un pont, déjà Carax, fan de la nouvelle vague, avait
propulsé ses amoureux "des amants du pont neuf" dans la
seine, tandis que le grand plongeon amoureux du trio de "jules
et jim" de truffaut impressionna la pellicule comme les esprits.
Le tourbillon des flots. Le tourbillon de la vie.

Les objets imposent aussi leur territoire. Le lit surtout. Lit où
on lit. Le lit du partage de l'amour, de la tendresse. Le lit de la
discorde, jonathan et son père cherchant leur territoire, le lit
de la déprime solitaire, le lit de la rupture aprés les ébats, le lit
où l'on danse, le lit où l'on parle, rit, guillaume et sa mère. Lit
lieu transactionnel, lit de la réappropriation.
Les livres...Honoré partage aussi ses goûts littéraires,
Jonathan, allongé, lit du salinger (observateur du malaise ados
)qui influença bon nombre de cinéastes. Voire aussi cette
tendre histoire d'amitié et de peur tirée du livre pour enfant de
l'éditeur "l'école des loisirs" pour lequel il eut écrit.
Ses références assumées ne s'alourdissent pas du passé, le
clin d'oeil évident lorsque jonathan se voit encadré des affiches
de "last days" de gus van sant et "history of the violence" de
cronenberg, film évoquant la perte de soi, la recherche
d'identité, en dédoublement fatal ou salvateur.



La devise "prends la peine d'ignorer la tristesse des tiens"
reste lettre morte. Si guillaume invoque à Alice l'impuissance à
guérir la tristesse récurrente de sa soeur et celle d'autrui en
général, on saisit l'importance de se situer "à portée" de
l'autre. Une présence même dans le silence n'est plus une
ignorance. Et c'est sur cette note d'ailleurs qu'ouvre et se clôt
le film :
Guillaume, Jonathan et Alice dormant dans le même lit, bercés
par la présence des leurs, amour, parent ou ami.

Honoré porte la grâce à l'écran, partage ses passions,
hommage discret à ses amours...et il compose si sensiblement
qu'il donne le goût à.., l'envie de..., filmer, écrire, chasser les
peurs, ne plus étouffer des attentes, aimer et être aimer, sans
crainte. ElanVital... Moteur !.

Patric (9/10/6) auteur.