Quand on n'a pas le choix, on change. Emily n'a qu'une obsession :
récupérer son fils, que ses beaux-parents élèvent loin d'elle. Pour y
parvenir, il faudra qu'elle reconstruise sa vie... qu'elle devienne
clean.

Assayas, le réalisateur des "destinés sentimentales", "fin aout, début
septembre" et autre "demonlover" revient frapper une nouvelle fois
au porte de la modernité dans ce film aux allures contemporaines.
Assayas, le touche à tout, se distingue par son éclectisme et n'hésite
pas parfois à rejoindre les chemins du classicisme pour
brusquement changer son braquet....Dans ce dernier film, tout est
réuni...une oeuvre multi, multi-langue, multi-pays, multi-acteur,
multi-thématiques et multi-amours puisqu'on retrouve son amour,
de toujours, la musique et maggie cheung son exfemme.

Emilie-Maggie cheung
C'est à travers l'avancée du personnage d'émilie, de son évolution
que l'on prend conscience de l'ensemble des problématiques du
film. Cette femme, confrontée à la mort de son amour, lee, puis à la
prison, à la perte de son fils, à ses problèmes de dépendance de
drogue, ne peut que déployer un extraordinaire arsenal de
changement pour sortir de ce cercle infernal ou tous les problémes
sont imbriqués. Le changement d'abord, celui d'un certain
renoncement à une vie, celle de sa passion qui la faisait vivre, sa
notoriété, beaucoup reconnaissent en elle l'animatrice télé brillante
qu'elle fût, pour revenir à une réalité dure et inhabituelle, le quotidien
avec sa recherche d'emploi classique, des boulots
alimentaires...pour prouver qu'elle est enfin apte à récupérer son
fils.
Et puis le changement de ses anciennes amies parisiennes,
devenues pour certaines intégrées au système avec cynisme,
comme le personnage de jeanne balibar ou celui de Béatrice Dalle,
évoquant le renoncement dans la tranquilité, en plaidant sans cesse
pour la non croyance au changement des êtres. La question peut se
définir en terme d'efficience du libre arbitre chez l'humain...

la filiation s'impose comme majeur. Les grands parents, du coté de
lee, garde le fils d'émilie et sont intégrés à part entière au film. On vit
avec leur doute, douleur. Ils ne sont pas épargnés par leurs propres
ennuis.
Beaucoup de gens impliquent émilie dans la mort de lee, alors
comment peut on lui confier son fils ?, la question se pose en
permanence.
Assayas traite avec violence, le reproche d'un fils à sa mère, mais
rend le moment de la rencontre magique car la fragilité submerge
l'écran, tout ne tient qu'à un fil dans la réappropriation de l'enfant à
sa mère et inversement. Ou est donc la vérité ?! semble demander
l'enfant.

Musique
Assayas s'implique dans ses BO en participant activement,
n'hésitant pas à rencontrer les groupes, on se souvient de sa
collaboration avec "sonic youth" pour Demonlover. Dans Clean,
dont le fil conducteur reste le monde de la musique, il projete
en avant quelques acteurs du rock underground comme mazzy star
ou tricky. D'ailleurs, celui ci sera intégré comme personnage à part
entière dans le film, on le verra quelques minutes en concert. Pas de
visions angéliques ici, la difficulté de la création avec ses tourments,
l'émergence de la drogue, les conflits d'interets sont montrés sans
chichi. Et puis les journalistes en prennent pour leur grade
notamment à travers la récupération de la mort par overdose de lee,
et surtout les producteurs...tout le processus de marchandising
ressort aprés la disparition de l'artiste, pour vendre encore plus,
réécrire la biographie. Assayas n'est pas tendre avec les vautours.
l'intrusion du réel dans sa fiction trouve le bon équilibre et découle
d'une connaissance affirmée de ce milieu.


Modernité
La modernité, celle d'une femme, libre, rebelle, se déplacant de
continent en continent, parlant plusieurs langues, vivant dans la
mode rejoint celle du film, culture des grands axes urbains, peuplés
de référence. Le rythme de la caméra se met au diapason du
sentiment d'émilie, virevoltant pour se calmer dans son
apprentissage de la normalité. film sur un aspect de la mondialité,
décés des amériques, conquêtes de l'asie et refuge sur le vieux
continent, un certain aspect du futur occidental du monde.

Mort
Elle peuple le film de part en part. La mort par overdose de Lee,
celle latente de la grand mère, d'un junkie parisien...tout le parcours
d'émilie est semé comme si le choix, d'arrêter ou pas, lui était
suggéré dans son combat contre la drogue. Cette réalité a bien été
rendu sans aucun angélisme car la pensée culturelle du sex, drugs
and rocknroll est tenace dans le grand public. Et puis les scènes de
manque, le substitut à base de métadone rapelle constament la
difficulté de la réalité à tout instant. La mort, c'est aussi celle des
illusions, des vérités bien tranchées, des croyances invincibles.

Assayas a donc réussi un film plein et entier, qui pouvait se révéler
casse gueule par la multiplicité des thèmes, bien évité. La conduite
des acteurs, on pense à nick nolte, d'une précision remarquable,
tandis que les émotions surprennent par leurs profusions.. le pathos
encombrant ne s'est pas invité à la fête.
Déjà un classique.
patric (10/9/4-auteur)